mercredi 26 juin 2013

Nyotaimori

J. dîne ce soir chez E., qu'elle n'a pas vu depuis longtemps. Il l'accueille le sourire aux lèvres et lui vole immédiatement un baiser tandis qu'elle ôte son petit manteau de velours. Elle retrouve avec plaisir le goût de sa langue chaude et douce et l'enlace avec tendresse. Elle espère bien qu'ils n'en resteront pas là. E. rentre d'un voyage au Japon, et tandis qu'ils s'installent sur son canapé, commence à lui conter les découvertes et les rencontres qui ont émaillé son périple. Sur la table basse, de petits bols remplis de ses amuses-gueule préférés accompagnent le vin blanc sec qu'il a rafraîchi très soigneusement pour elle. Heureuse, elle l'écoute et se laisse bercer par sa conversation. "Les japonais ont un rapport au corps fascinant, très éloigné du nôtre. Ils ont développé une gamme invraisemblable de pratiques érotiques d'un grand raffinement ; ce sont comme des rituels, des cérémonies sacrées. - Que veux-tu dire par là ? - As-tu entendu parler du nyotaimori ? - Non... - Disons que c'est une variante vraiment particulière de l'art de la table... Le repas est servi sur le corps nu d'une femme, qui ne doit ni parler ni bouger, ne serait-ce qu'un cil, pendant toute la durée des agapes. Bien entendu, ce sont des hommes et uniquement des hommes qui sont invités à la dégustation... - Mais que font-ils une fois le couvert desservi ? - Rien. Il n'y a pas de rapport sexuel avec la jeune fille. Elle est là, comme un meuble particulièrement élégant, muette, immobile. Elle sent l'effleurement des baguettes, le poids des aliments chauds ou froids sur sa peau, elle entend les conversations autour d'elle - parfois à propos d'elle, car les convives commentent sa beauté et la perfection de sa posture... - Intéressant..." J. sourit, amusée de l'enthousiasme de E. Elle-même ne voit pas très bien l'intérêt de la chose et se demande surtout comment il est possible de parvenir à une telle sérénité. "C'est une forme de pratique du zen. Contrôle de la respiration et des mouvements du corps, impassibilité absolue... Un exercice de contention. - J'en serais bien incapable ! - Tu veux qu'on essaye ?" E. la regarde d'un air gourmand (c'est le cas de le dire). J. rit franchement cette fois-ci : "Tu vas être déçu ! Je suis bien trop nerveuse pour ce genre de jeu." Toujours riant, elle déboutonne son chemisier et s'allonge sur le canapé. "Regarde, tu vas voir ! Pose quelque chose sur ma poitrine." E. prend une poignée d'olives vertes dans un bol, et les dispose entre ses seins. Le contact des fruits frais et huileux la fait légèrement sursauter. "Tu vois ! Je gigote dès que tu les mets en place. - C'est une question d'habitude. Essaie de ne penser à rien, laisse-toi complètement aller." J. se concentre sur un point au plafond, ferme les yeux, tente de détendre tous ses muscles. E. pioche une olive, et laisse un peu traîner son doigt au passage ; J. frissonne, retient tant bien que mal le rire provoqué par la chatouille. Elle a la chair de poule. E. ne dit rien et poursuit son manège. Il pose à présent à côté des olives son verre de vin blanc. "Si tu bouges, attention, mon canapé sera mouillé. Respire très lentement... - Je sens que je vais prendre une crampe... C'est très engourdissant de rester ainsi sans bouger." E. se dépêche de terminer son pique-nique improvisé et reprend son verre. "Tu as raison, il te faut beaucoup d'entraînement. J'avais oublié à quel point tu peux gigoter... Mais il y a des solutions. - Des solutions ? Tu veux vraiment m'entraîner au... Au quoi déjà ? - Au nyotaimori. N'y pensons plus, on verra ça plus tard." E. lui ressert un verre de vin. J. grignote du bout des doigts, elle est un peu grisée par l'alcool mais aussi par le plaisir de retrouver E. Il se rapproche d'elle et glisse sa main sous le chemisier toujours ouvert. J. se laisse aller sous la caresse. E. dégrafe son soutien-gorge d'une main, et de l'autre malaxe son sein droit dont le téton pointe, invitation chaleureuse à ne surtout pas arrêter. Elle s'allonge sur le dos, il la recouvre de son corps et se frotte contre elle en embrassant son cou, ses épaules ; ses lèvres et sa langue descendent sur son ventre et s'attardent sur son nombril, lui aussi sensible à ce contact délicieux. J., les yeux fermés, grogne de plaisir. Soudain E. s'interrompt. Elle le sent se redresser, et devine qu'il cherche quelque chose qui semble posé par terre, derrière le canapé. Elle n'ouvre pas les yeux, excitée ; quelle surprise a-t-il préparée pour elle ? E. l'invite de ses bras à se retourner. Elle est à présent allongée sur le ventre, et rit de plus belle. Il lui ôte lentement son chemisier (qui ne tenait de toute façon plus à grand-chose), sa jupe, son collant, sa culotte... Elle se laisse faire, ravie. "Toi, toi, tu as une idée derrière la tête... Mais tu es certain de ne pas vouloir dîner avant ? - Non, non, surtout pas... Ne t'occupe de rien, ma belle..." Il embrasse son dos, ses fesses, glisse brièvement sa tête entre ses cuisses humides qu'elle écarte, impatiente de l'accueillir. E. lui saisit alors le bras droit, puis le gauche, et les maintient solidement dans son dos d'une main ; de l'autre, il les attache solidement, avec ce qu'elle devine être une corde fine. C'est un jeu qu'ils pratiquent souvent, et la tension de la corde est parfaite, suffisamment importante pour qu'elle soit totalement immobilisée, suffisamment souple pour qu'elle n'ait pas mal. Il fait de même avec les cuisses et les pieds, jusqu'à transformer J. en parfait petit paquet de chair rose, entravé, offert à tous ses caprices, petit paquet qu'il retourne d'un geste sur le dos. "Alors, que vas-tu faire de moi à présent, cher E. ? - Mais, ma douce... Le plus précieux de mes meubles bien sûr." J. ouvre les yeux, juste à temps pour voir E. approcher de sa bouche une boule de plastique noir munie d'une sangle. Elle s'apprête à protester, mais E. force sa mâchoire d'une main et fait aisément pénétrer le bâillon, qu'il fixe à l'arrière de sa tête sans qu'elle puisse rien faire pour l'en empêcher. Elle le regarde, impuissante, ouvrant de grands yeux effarés ; E. lui envoie un baiser de ses lèvres moqueuses et lui tourne le dos pour débarrasser la table basse, pendant un temps qui lui semble interminable, et qu'elle occupe en se tortillant désespérément sur les coussins de cuir du canapé. Enfin E. se tourne vers elle. "Tu vois qu'il y a des solutions... Je pense que là, ça va être beaucoup plus facile pour toi de pratiquer cet exquis rituel alimentaire. Mais dépêchons, l'heure tourne..." Il la dépose délicatement sur la table. Les jambes de J. dépassent un peu, mais le résultat lui semble néanmoins fort satisfaisant. Il attrape une nouvelle corde et attache les épaules et les genoux de J. à chaque pied du meuble. Il se recule pour juger de l'effet obtenu. "C'est splendide. Évidemment, on est encore loin de l'esprit du vrai nyotaimori, mais je crois néanmoins que mes invités seront émerveillés." Comme pour lui faire écho, la sonnette retentit. J., morte de honte, entend E. ouvrir la porte et faire entrer un groupe de personnes dont elle ne parvient pas à deviner le nombre ; mais leurs voix graves et fortes ne laissent planer aucune ambiguïté sur leur sexe. "Vous êtes ponctuels, messieurs, c'est excellent ! La table est mise, vous m'en direz des nouvelles - j'ai apporté un soin particulier à la décoration..."

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